La dépression touche aujourd’hui, d’après l’OMS, plus de 300 millions de personnes à travers le monde. À l’échelle nationale, une personne sur cinq a souffert ou souffrira au cours de sa vie d’une dépression. Cette maladie mêlant fatigue, dévalorisation de soi, idées noires et troubles du sommeil, entraîne également des difficultés à prendre du plaisir.

Les liens entre stress et dépression étaient abordés dans cet article de 2016, dans lequel nous évoquions la présence d’une hyperactivité de l’axe hypothalamo-hypophysio-surrénalien (HPA) chez les personnes dépressives. Une recherche relayée ce mois-ci par Québec Science révèle plus précisément comment le stress chronique pourrait mécaniquement générer des symptômes dépressifs.

Lien entre stress et dépression : le rôle de la barrière hématoencéphalique

Au Canada, à l’Université Laval, l’équipe de recherche de Caroline Ménard vient de découvrir que la barrière hématoencéphalique serait plus poreuse chez les personnes en situation de stress chronique, ce qui favoriserait l’émergence d’une dépression. Cette barrière a un rôle fondamental : permettre au cerveau de filtrer de manière extrêmement sélective les éléments pouvant la franchir. Ainsi, ni hormones, ni toxines ou autres agents pathogènes ne peuvent rentrer en contact avec le cerveau. Son rôle est donc essentiel pour notre santé.

Une étude qui serait transposable à l’homme

Durant 10 jours, Caroline Ménard et son équipe a placé de petites souris noires dans une cage puis y a introduit chaque jour une grosse souris blanche agressive pendant quelques minutes. Lorsque la souris blanche n’était pas dans la cage des souris noires, elle était juste à côté d’elles, de façon à ce que les autres puissent la sentir et la voir en permanence, pour maintenir les souris noires dans un état de stress chronique. Le chercheur a pu remarquer grâce à cette expérience que chez les souris exposées au stress, la barrière entourant le cerveau devenait plus poreuse et perdait ainsi de son efficacité. En conséquence, des molécules pro-inflammatoires la franchissait, ce qui entraînait notamment l’apparition de symptômes dépressifs.

Une protéine à l’origine de la porosité de la barrière hématoencéphalique

Dans cette étude, Caroline Ménard a découvert que la protéine claudine-5 avait diminué de moitié chez les souris noires stressées. Or, c’est une protéine clé dans le fonctionnement de cette barrière naturelle : en son absence, le filtre qu’elle est censée assurer est moins efficace.

Comment savoir si une souris manifeste des symptômes dépressifs ?

Le chercheur explique qu’il existe différents tests, comme celui du bécher d’eau. Une souris non dépressive tente normalement de s’extraire de l’eau tandis que celles manifestant des symptômes dépressifs abandonnent et se laissent flotter.

Des résultats extrapolables à l’être humain ?

L’équipe de recherche de l’Université Laval a analysé des tissus cérébraux issus de banques de cerveaux. Ils ont pu comparer les tissus de 63 cerveaux, dont deux tiers provenant de personnes s’étant ôté la vie. Comme chez les souris noires, les chercheurs ont constaté un taux de protéine claudine-5 deux fois inférieur chez ces personnes. Cette découverte pourrait permettre de faire évoluer la recherche sur de potentiels traitement, car la dépression est en grande partie une maladie cognitive. Caroline Ménard l’indique : « nous pourrions aussi concevoir de nouveaux antidépresseurs pour améliorer l’étanchéité de cette barrière. Actuellement, de 30 à 50% des personnes dépressives ne sont pas ou peu sensibles aux effets des antidépresseurs ». La recherche de nouveaux modes d’action contre cette maladie semble donc importante. Ce qui est sur, c’est que cette étude ouvre de nouvelles pistes de recherche.

Découvrez l’article de Québec Science en cliquant ici.

Découvrez l’étude originale publiée dans la revue Nature Neuroscience le 13 novembre 2017 en cliquant ici (en anglais).