Le pardon, de Kim Phuc à Natascha Kampusch. Dans les pires situations, pardonner aide à survivre… L’histoire de Kim Phuc est sur ce point évocatrice. Le 8 juin 1972, en pleine guerre du Vietnam, un photographe immortalise une petite fille qui court sur une route, en hurlant sa douleur. Alors âgée de 9 ans, Kim vient d’être gravement brûlée après un bombardement au napalm.

Le cliché fera le tour du monde, bouleversant des millions d’Américains et précipitant la fin du conflit. Par miracle, Kim a survécu. Mais au prix de douleurs physique et morale immenses, suite aux multiples chirurgies réparatrices subies et affections qui l’handicapent encore aujourd’hui.

En 1996, Kim est invitée à intervenir Washington face à un parterre de vétérans. Quelque peu intimidée, elle prend la parole : « Si je pouvais me trouver face-à-face avec le pilote de l’avion qui a lancé la bombe, je lui dirai : on ne peut pas changer l’histoire, mais au moins peut-on essayer de faire de notre mieux dans le présent et le futur pour promouvoir la paix. » Un homme dans l’assistance est profondément ému. Il fait parvenir à la jeune femme un billet sur lequel est inscrit : « Kim, je suis cet homme. » Et John Plummer, c’est le nom de cet homme, attend, tremblant. Elle vient à lui, et le prend dans ses bras. Il éclate en sanglots. Implorant son pardon, elle lui répond : « Mais oui, c’est fini, je vous pardonne. »

Des propos en harmonie avec ceux du docteur Roberto Assagioli, psychiatre et psychothérapeute italien : « Sans pardon, la vie est gouvernée par un parcours sans fin de ressentiment et de vengeance. »

Dans le cadre de l’entreprise, pardonner va aider à reconnaître les erreurs et va favoriser la cohésion…

Lorsque j’intervenais devant des dirigeants d’entreprise sur l’ile Maurice, alors que j’exprimais mon admiration devant la capacité de ceux-ci à reconnaître leurs erreurs, leurs maladresses éventuelles, l’un d’eux me dit : « Ici, on reconnaît plus facilement nos erreurs parce que nous savons que l’on va nous pardonner. » Si le pardon est un puissant levier de motivation, c’est qu’il est le point de passage vers la réconciliation. Et la réconciliation, à l’image d’une épreuve traversée avec succès, permet à chacun d’en ressortir plus fort et surtout, d’acquérir un état d’esprit propice à aller de l’avant, à faire bien, à se dépasser. Oui, comme le fait remarquer à merveille Marcelle Auclair, journaliste et femme de lettres française, « le pardon est plus qu’un sentiment, c’est une force qui déclenche d’admirables effets ». Il y a quelques années, un jeune manager m’expliquait avoir été très maladroit, la veille de notre rencontre, avec ses trois principaux collaborateurs : « Me souvenant de nos échanges, le soir même, nous nous sommes vus dans mon bureau. Nous nous sommes parlés, et lorsque nous nous sommes quittés, nous n’étions plus fâchés. » Dans l’entreprise, le pardon aide à reconnaître ses erreurs, favorise la réconciliation et renforce la cohésion.

Si grâce aux capacités de pardon, chacun admet ses erreurs, la peur de l’erreur ne vient plus paralyser l’innovation…

En France, pays ô combien pessimiste, on n’accepte pas l’erreur. Quelqu’un qui s’est trompé doit le payer. Dans d’autres pays, si quelqu’un se trompe, c’est parce qu’il a essayé et il a plus de chances de réussir que s’il n’essayait pas, il faut juste qu’il persévère jusqu’à ce qu’il réussisse. Si l’on rétablissait le droit à l’erreur, nous n’altérerions pas le sens des responsabilités de chacun, mais nous bénéficierions d’une créativité indispensable au contexte actuel. Et si le droit à l’erreur passait par le fait de savoir pardonner ?

Le pardon permet de diminuer les émotions négatives et d’améliorer la santé…

Les témoignages de Natasha Kampusch dans son ouvrage 3096 jours sont évocateurs sur les capacités du pardon à nous aider à résister aux pires situations. « Ma seule marge de manœuvre était de lui pardonner ses gestes. Je lui ai pardonné l’enlèvement et toutes les fois où il m’a frappée ou maltraitée. Cet acte du pardon me rendit le pouvoir sur ce que je vivais et me permit de m’en accommoder. Si je n’avais pas instinctivement adopté cette attitude, j’aurais peut-être sombré dans la colère et la haine – ou j’aurais succombé aux humiliations auxquelles j’étais soumise quotidiennement.»

Les thérapeutes qui travaillent avec des victimes de traumatismes, connaissent depuis longtemps les vertus du pardon. Ils ont, par exemple, remarqué que le soulagement apporté par le pardon, favorise les capacités d’adaptation et la guérison de ces personnes.

Les effets bénéfiques du pardon ont été plus largement étudiés par les chercheurs depuis une quinzaine d’années. Ils ont ainsi remarqué que le pardon constitue un excellent moyen pour diminuer la colère, la dépression, l’anxiété et diverses autres émotions négatives. Par ailleurs, les personnes capables de pardonner sont en moyenne plus satisfaites de leur vie. Et après avoir pardonné, celles-ci sont plus confiantes en l’avenir et ont une meilleure estime d’elles-mêmes !

Dans tous les cas, le pardon va en effet diminuer les frustrations et les émotions négatives, il va contribuer à diminuer le niveau de stress et à améliorer la santé.

Dans la vie de tous les jours, dans l’entreprise, les maladresses, les erreurs, sont, heureusement, à des années lumières des histoires de Kim Phuc et de Natascha Kampusch…

Et cependant, lorsque je suis maladroit vis à vis d’un collaborateur, c’est le fait de repenser à ces histoires qui m’aide à aller vers lui, à lui expliquer les raisons de ces maladresses et à obtenir ainsi son pardon. Puissent ces témoignages hors normes aider chacun à progresser dans ses capacités à reconnaitre ses erreurs, ses maladresses, à renforcer la cohésion, à faciliter l’innovation et à vivre en meilleure santé.

 

La tribune de Philippe Rodet publiée sur le site de Ressources Humaines, Focus RH, le 12 février 2014 est intitulée : « Le pardon, de Kim Phuc à Natascha Kampusch ». Bonne lecture.