Parler de bienveillance comme attitude managériale peut apparaître décalé par rapport aux dures réalités du monde de l’entreprise. Cependant, à l’heure où le MEDEF consacre une des tables rondes de sa récente Université d’été à la « place des émotions dans l’entreprise », aborder la place de la bienveillance dans l’entreprise devient possible.
Ce mois-ci, Philippe Rodet aborde le management bienveillant, dans une tribune intitulée « La bienveillance, attitude managériale » publiée sur le site de Ressources Humaines « FOCUS RH»
Etre bienveillant, c’est accepter l’erreur de l’autre.
S’il est facile de trouver des justificatifs à ses propres erreurs, il est très difficile d’accepter l’erreur de l’autre. Et cependant… une anecdote racontée par un ami, dirigeant d’entreprise, est intéressante à analyser. Un samedi matin, cet ami se rend à son bureau, à l’entreprise qu’il dirige. Comme chaque semaine, lorsqu’il arrive près du site, il téléphone à la personne qui officie au poste de sécurité pour que celleci ouvre la barrière. Mais, ce matin là, rien ne se produit. Arrivé sur place, il se rend compte que le gardien dort profondément et n’a pas été réveillé par les différents appels téléphoniques. Le lundi, il s’entretien avec le gardien et celui-ci lui avoue avoir consommé de l’alcool dans la nuit précédente et s’être endormi ensuite à son travail. Il apprend que la consommation d’alcool était liée à une situation personnelle très difficile. Après un long échange, il propose au gardien de ne pas en faire de cas, en échange de gros efforts de conduite dans le futur. L’avenir a montré qu’il avait eu une attitude efficace. Le gardien n’a pas récidivé et s’est montré d’un dévouement exemplaire à partir de ce jour là.
Accepter l’erreur de l’autre n’est pas simple mais est d’autant plus facile que l’on est capable de le voir tel qu’on voudrait qu’il soit…
Etre capable de voir l’autre tel qu’on voudrait qu’il soit fait aussitôt penser à l’effet Pygmalion, un effet qui prouve qui si l’on est capable de voir l’autre comme excellent, il tendra à le devenir. Il est intéressant de se souvenir de l’étude portant sur deux groupes d’étudiants, l’un des groupes constitué d’étudiants très brillants et l’autre, d’étudiants bien moyens. On demande aux professeurs de ne surtout pas dire aux étudiants qu’ils sont brillants ou bien moyens. A la fin de l’année, le groupe des étudiants brillants a des résultats exceptionnels et l’autre groupe des résultats médiocres. Or, entre temps, on avait rendu les groupes homogènes en termes de résultats. Il y avait donc dans le groupe des étudiants brillants, des étudiants médiocres, devenus brillants… Lorsque l’on repense à cet effet, si on s’efforce de voir ses collaborateurs comme excellents, ils auront des chances de le devenir. Ainsi, on plus enclin à accepter qu’il puisse y avoir, un temps, quelques erreurs.
Accepter l’erreur de l’autre est d’autant plus facile que l’on est capable de pardonner…
Il est aussi difficile de pardonner que de reconnaître ses erreurs et cependant, ces deux attitudes permettent de cultiver la solidarité de proximité, clé de l’envie de travailler ensemble, voire de l’intelligence collective. Pardonner n’est pas spontanément facile. Pour y parvenir, repenser à une belle histoire de pardon aide énormément. Nous sommes en 1972 et on voit sur tous les écrans de télévision, une jeune fille, courir nue, après avoir été brulée par un bombardement au napalm, lors de la guerre du Viet Nam. Kim Phuc a alors neuf ans. Elle bénéficiera ensuite de dix sept greffes de peau, deviendra entre autres migraineuse et diabétique. En 1996, elle est invitée à participer à l’assemblée générale des anciens combattants de la guerre du Viet Nam. Pendant son intervention, elle parle avec émotion de l’homme qui a lâché la bombe à l’origine de ses brulures? A ce moment là, un homme dans la foule fait passer un mot au service de sécurité afin de pouvoir approcher de Kim Phuc. Lorsque John Plummer se trouve devant Kim Phuc, il est en pleurs et dit « C’est moi qui ait lâché la bombe. Est-ce que vous pouvez me pardonner ? » Kim Phuc lui explique que oui et qu’elle compte sur lui pour l’aider à bâtir un monde de paix. Repenser à cette belle histoire de pardon aide à pardonner, un peu comme s’il s’opérait une forme de contagion. Et pardonner, c’est ouvrir la voie à la réconciliation.
Accepter l’erreur de l’autre, c’est l’aider à continuer d’essayer et, un jour, à… réussir !
En France, on n’aime pas l’échec et celui qui échoue tend à être marqué au fer rouge. Or, accepter l’erreur de l’autre, accepter l’échec, c’est aider l’autre à persévérer et à réussir. Plutôt que de condamner l’échec, il serait préférable d’essayer d’être, au contraire, plus positif que la logique le voudrait. Il ne s’agit pas de se féliciter de l’échec mais de parler de l’échec en ayant pris soin d’aborder deux succès. Ainsi, fort d’un réel sentiment de justice, le collaborateur voudra, à tout prix, montrer qu’il dispose de véritables compétences et… réussira. En outre, en abordant les succès du collaborateur, on va développer son sentiment d’efficacité personnelle. Or, un sentiment d’efficacité personnelle fort incite à choisir des challenges de plus en plus élevés, à persévérer d’avantage et donc, au final, à réussir.
La bienveillance est un levier de performance…
Voir l’autre aussi brillant qu’on voudrait qu’il soit est une solide clé de réussite individuelle. Etre capable de pardonner ouvre la voie de la réconciliation, puissant levier de solidarité de proximité, condition pour avoir envie de travailler ensemble et pour développer, un jour, une forme d’intelligence collective. Savoir accepter l’erreur et la corriger de manière juste et efficace, c’est aider à persévérer et à choisir des challenges de plus en plus élevés, c’est augmenter ses chances de succès. On voit bien à travers ces quelques exemples que la bienveillance est un puissant levier de réussite individuelle et de performance collective.
La bienveillance est un levier de bien-être…
Parallèlement, lorsque l’on développe la solidarité de proximité, on favorise la sécrétion d’ocytocine, hormone de l’empathie et de la générosité, qui annihile les effets du stress. Plus le taux d’ocytocine augmente, plus le taux de cortisol (hormone du stress) baisse. Etre perçu comme un être juste en voyant plus les succès que les erreurs, génère du plaisir, plaisir qui vient, lui aussi, diminuer le taux des hormones du stress (cortisol, adrénaline…) dans le sang et augmenter la sécrétion d’hormones (hormone de croissance, endorphines…) susceptibles de réparer les problèmes générés par le stress.
La bienveillance, levier de performance et de bien-être… voilà un bien beau sujet pour la prochaine… Université d’été du Medef.