Lors d’une plénière du C.J.D. où Laurence Fischer et moi-même avions la chance d’être présents, une intervention d’un dirigeant, Rémi Toisier, m’était apparue très intéressante. Je lui ai demandé de nous retranscrire son propos et il a eu la gentillesse d’accepter. Merci Rémi.

« J’ai eu la chance de pouvoir suivre des stages nombreux et de qualité au sein des trois grands groupes dans lesquels j’ai assumé mes fonctions durant 25 ans. Parmi ces stages, plusieurs étaient des séances d’introspection permettant de se découvrir et de comprendre comment les autres nous voient et comment finalement nous sommes.

Par exemple pour ce qui me concerne, il est apparu que je suis un cadre dirigeant dont le pire ennemi est la solitude dans l’action. Travailler seul peut m’emmener vers l’échec parce que ma personnalité s’accommode d’une capacité à gérer des hommes et des situations au travers de l’équipe, en les faisant réagir et en organisant les choses autour de l’objectif à atteindre.

Par conséquent mon plus grand stress a été d’accepter de créer ma structure seul, pour obtenir la mission qui allait faire vivre cette structure. Or la structure prévoyait également un travail de fond sur deux années au moins, en étant seul.

Et pourtant dans ma carrière, j’ai connu le stress de négociations difficiles et tendues avec ou sans collaborateur face à des acteurs de Grande Distribution où vous aviez en face de vous 15 acheteurs qui vous faisaient patienter 1 à 2 heures avant de vous recevoir avec toute la pression adéquate puisque après cette attente, ils vous donnaient 15′ pour vous déterminer sur le montage d’une opération qui engendrait plusieurs millions de Francs, en sachant qu’avant et après vous, vos concurrents passaient !

Hé bien, malgré cela, c’est bien le stress de monter ma structure en étant seul qui m’a le plus conduit vers des méandres de doutes et de remises en question profondes. Mais j’ai accepté le challenge car je savais que la solitude allait me détruire si je ne la combattais pas.

Et pour ce faire, j’ai agi sur ma capacité à décupler mes efforts par une suractivité que je possède toujours, et l’engagement que j’y ai mis dans toutes mes actions.

Engagement pour convaincre, pour démontrer, pour asseoir la crédibilité de l’action par la personne. Deux ans d’engagement intense et éprouvant où le doute succède à la jouissance de réussir quelque chose de grand auprès d’acteurs multiples. Mais je ne sais dire à quel moment j’ai côtoyé plus l’euphorie que la dépression, la limite n’en a était parfois qu’un fil.

De même, le stress ne réside t’il pas dans le fait que je devais assumer un choix dans lequel j’avais entraîné toute ma famille en les sortant d’un grand confort matériel en souhaitant quitter un groupe qui ne m’apportait plus, d’après moi, ce que j’attendais de ma fonction dans son exercice quotidien ? Autrement dit, avais-je le choix ?

D’où cette obligation de réussite à tout prix et par conséquent le stress ultime qui va de paire. »